En affirmant que la cession d’activité ne fait plus obstacle à l’adoption d’un plan de redressement, lequel a pour seul objet l’apurement du passif d’un débiteur placé en redressement judiciaire, la Cour de cassation opère un revirement de jurisprudence remarquable (Com. 04/05/2017 n° 15-25046, à paraitre au Bulletin).

En effet, jusqu’à cet arrêt, la Cour de cassation estimait que le maintien de l’activité de l’entreprise était une condition nécessaire pour qu’une proposition de plan de redressement puisse être recevable. Lorsque tel n’était pas le cas, la seule issue était la liquidation judiciaire, quand bien même le débiteur proposait, malgré l’absence d’activité économique, d’apurer l’intégralité de son passif (Com. 28/03/2000 n° 97-20620 : disparition d’un fonds de commerce à la suite d’un incendie de l’immeuble qui en abritait l’exploitation). Cette solution privait ainsi les sociétés holdings dépourvues d’activité de production ou de commercialisation de toute solution de redressement judiciaire  (Com. 03/06/1997 n° 95-13218).

La solution traditionnelle pouvait s’appuyer sur la lettre et l’esprit de l’article L. 631-1 du Code de commerce qui dispose que « la procédure de redressement judiciaire est destinée à permettre la poursuite de l’activité de l’entreprise, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif », paraissant ainsi exiger de manière cumulative que les trois conditions susvisées soient remplies.

Les prémices de ce revirement pouvaient déjà être décelées, s’agissant de la procédure de sauvegarde, dans l’arrêt dit « Cœur Défense » (Com. 08/03/2011 n° 10-13888, 10-13889 et 10-13990). Dans cette affaire, la Cour de cassation avait censuré la Cour d’appel de Paris pour avoir refusé l’ouverture d’une procédure de sauvegarde (laquelle est également destinée à faciliter la réorganisation de l’entreprise afin de permettre la poursuite de l’activité économique, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif : article L. 620-1 du Code de commerce) aux motifs qu’il s’agissait d’une société holding, laquelle étant dépourvue d’activité économique ne pouvait être considérée comme une entreprise dont la réorganisation devait être facilitée par la sauvegarde.

Il était évident qu’en acceptant l’ouverture d’une sauvegarde au bénéfice d’une société holding qui était dépourvue d’activité économique, la Cour de cassation se devait de faire évoluer sa jurisprudence en matière de plan de sauvegarde et de redressement. Il aurait, en effet, été étonnant et inapproprié qu’une procédure de sauvegarde ou de redressement puisse être ouverte à l’égard d’un débiteur dépourvu d’activité économique, sans que celui-ci puisse à l’issue de la période d’observation, bénéficier d’un plan.

C’est donc pour éviter cette absurdité que la Cour de cassation estime désormais que la cessation de l’activité d’un débiteur ne fait pas obstacle à la recevabilité d’un plan de redressement qui, désormais, peut avoir pour seul objet l’apurement de son passif. Nul doute que la Cour de cassation saisira la première occasion pour appliquer la même solution au plan de sauvegarde.

Intérêt de la décision : si ce revirement de jurisprudence n’est pas très respectueux de la lettre et de l’esprit de la loi de sauvegarde des entreprises, en ce qu’il sacrifie ainsi les intérêts des créanciers qui pourront se voir imposer des délais de paiement dans le cadre d’un plan de sauvegarde ou de redressement (d’un maximum de 10 années en principe), en revanche elle ouvre des perspectives intéressantes pour des débiteurs dépourvus d’activité économique (comme par exemple les sociétés holding dépourvues de salarié ou encore les SCI), lesquels pourront utiliser les dispositions du Livre VI du Code de commerce pour restructurer leurs dettes.

Jean-Pascal CHAZAL, Sophie WATTEL et Zaïra APACHEVA