Après avoir rappelé et défini les grands principes sur lesquels sont fondés ce guide pratique (liberté de religion, laïcité, etc.), 39 questions/réponses relatives à des situations concrètes auxquelles employeurs et salariés peuvent être confrontés sont présentées.

A titre d’exemple, on peut lire :

– Lors d’un entretien d’embauche, puis-je demander au/à la candidat(e) sa religion ? S’il/elle est pratiquant(e) ?

Réponse : non, seules des informations permettant d’apprécier la capacité du/de la candidat (e) à occuper l’emploi proposé ou ses aptitudes professionnelles peuvent être demandées dans le cadre de l’entretien. La question de la religion et de sa pratique n’a pas à être abordée.

– En raison de ses convictions religieuses, un(e) salarié(e) refuse d’exécuter certaines tâches de son travail ou de travailler à certains moments. Puis-je le/la sanctionner ?

Réponse : oui. le refus du/de la salarié(e) d’exécuter une des tâches pour lesquelles il/elle a été embauché(e) est constitutif d’une faute pouvant entraîner une sanction disciplinaire.

Exemple : recruté(e) comme boucher(e) et n’ayant fait valoir aucune objection lors de son recrutement, un (e) salarié (e) refuse d’être en contact avec la viande de porc.

Jurisprudence Cass. soc., 24 mars 1998, n° 95-44.738

Attention toutefois, la tâche à effectuer ne doit pas conduire à la mise en danger du salarié. La Cour de Cassation a jugé qu’un salarié refusant de prendre en charge un projet devant se dérouler au Moyen-Orient, compte tenu des risques que, en raison de sa confession religieuse, la réalisation de ce projet ferait courir à sa sécurité ne peut être licencié dès lors que le risque est réel et qu’il en a informé son employeur.

(Cass. soc.,12 juill. 2010, n° 08-45.509).

– Puis-je prévoir dans le règlement intérieur l’interdiction de porter des tenues ou symboles religieux comme un voile islamique, une kippa ou un turban sikh ?

Réponse : oui, mais à condition que cette restriction soit justifiée par des motifs répondant aux exigences posées par la loi.

Ceux-ci peuvent par exemple tenir à la responsabilité de l’employeur de protéger la santé et la sécurité des salariés. Ces impératifs peuvent conduire à interdire le port de certaines tenues ou objets (couvre-chefs, bijoux, etc…).

Dans ce cas toutefois, vous devrez être vigilant sur la manière dont vous formulez cette restriction. Ce n’est pas en raison de son caractère religieux que cette tenue est alors prohibée mais en raison de sa conséquence en matière de sécurité ou d’hygiène ou d’organisation du travail.

Exemples :

– le turban sikh ou le voile islamique et le port du casque de chantier ou d’une charlotte sont incompatibles. Il en est de même avec le port d’une simple casquette. Ce n’est donc pas le turban sikh ou le voile islamique qui sont interdits mais tout accessoire faisant obstacle au port du casque ou de la charlotte alors qu’il/elle est obligatoire

– le port d’une chaîne avec une croix ou une étoile de David par du personnel infirmier peut présenter un risque pour la sécurité des patients. Il en est de même avec toute chaîne et pendentif de nature non religieuse. De la même façon que ci-dessus, ce n’est pas le symbole religieux qui sera interdit par le règlement intérieur mais le port du bijou, indépendamment de sa signification.

En outre, depuis la loi du 8 août 2016 sur le travail, le règlement intérieur peut contenir une clause de neutralité, notamment en matière d’expression des convictions religieuses, qui peut avoir des conséquences sur les règles vestimentaires (voir explications dans le préambule).

Lorsque les motifs de la restriction tiennent à l’image ou aux intérêts commerciaux de l’entreprise, la question fait encore débat. La jurisprudence n’est pas définitivement fixée sur ce point.

À savoir : s’agissant plus particulièrement des restrictions tenant à l’exigence de la clientèle, la Cour de Justice de l’Union Européenne a été saisie en avril 2015, par la Cour de Cassation, d’une question préjudicielle portant sur la légitimité pour une société prestataire de service informatique d’interdire, à la demande d’une entreprise cliente, qu’une de ses salariées s’y présente voilée.

Par ailleurs, vous devrez veiller à appliquer les mêmes règles à toutes les religions.

Il s’agit d’un outil très utile pour tout employeur confronté à des questions pratiques en lien avec la religion ou l’exercice de la religion, étant toutefois rappelé qu’il n’a pas de valeur juridique normative et ne préjuge donc pas de la solution qui pourrait être retenue par les juges en cas de contentieux.

Sophie WATTEL et Zaïra APACHEVA