Le non-respect des statuts de la décision fixant la rémunération du gérant ne permet pas toujours d’obtenir la nullité de celle-ci.

Ainsi, dans une affaire récente, l’associé minoritaire d’une SARL avait demandé l’annulation des décisions d’augmentation de la rémunération du gérant au motif qu’elles avaient été prises en méconnaissance des statuts qui exigeaient un vote à l’unanimité.

Sur ce fondement, l’associé minoritaire avait obtenu gain de cause devant la Cour d’Appel.

Cependant, la Chambre commerciale de la Cour de cassation, en dernier recours, n’a pas suivi la décision retenue par les juges du fond, en considérant que la nullité d’une décision ne modifiant pas les statuts ne peut résulter que de la violation d’une disposition légale impérative, c’est à dire d’un texte de loi impératif (c. com. art. L. 235-1, al. 2). Ainsi, sauf cas particuliers, l’inobservation des clauses statutaires lors de la décision de fixation de la rémunération du gérant ne peut pas conduire à la nullité d’une délibération. (Cass. com. 20 février 2019, n°17-12050)

L’abus de majorité commis dans le cadre de la décision fixant la rémunération du gérant permet d’en obtenir la nullité.

De manière constante, constitue un abus de majorité une décision prise contrairement à l’intérêt social de la société, appréciée à l’aune de la trésorerie de la société et dans l’unique dessein de favoriser la majorité au détriment de la minorité (Cass. com. 30 mai 1980, n°78-13836).

L’abus de majorité peut alors être sanctionné par la nullité des délibérations prises en assemblée (Cass. com. 6 juin 1990, n°88-19420 et n°88-19783).

Ce principe a également été rappelé par la Cour de cassation dans l’affaire citée ci-avant.

En l’espèce, l’associé minoritaire de la SARL reprochait à son coassocié, gérant majoritaire, les décisions de mise en réserve systématique des bénéfices et d’augmentation de sa rémunérations de gérant. Ces délibérations constituaient, selon lui, un abus de majorité. L’associé sollicitait devant les juges, d’une part, la condamnation du majoritaire à lui payer des dommages et intérêts et d’autre part, l’annulation des assemblées ayant fixées la rémunération du gérant.

La cour d’appel avait refusé l’idée d’un abus de majorité et avait débouté l’associé minoritaire de sa demande en paiement de dommages et intérêts, considérant que l’augmentation de la rémunération du gérant se justifiait par le fait qu’il assumait seul le travail effectué auparavant par deux co-gérants et que la mise en réserve faisait suite aux faibles montants des bénéfices dus à un contexte économique difficile.

Cette décision a été censurée par la Cour de cassation, laquelle a considéré que la baisse des résultats de la société résultait de l’augmentation importante de la rémunération du gérant qui avait presque doublée en 4 ans.

En conséquence, cette hausse de rémunération était nécessairement contraire à l’intérêt social, eu égard aux faibles montants des bénéfices en découlant, et prise dans l’intérêt unique du majoritaire, qui était le gérant, au détriment du minoritaire, se trouvant exclu du droit à dividendes.

Conseil :  En pratique, il est assez fréquent que les décisions frappées d’un abus de majorité ne respectent pas non plus les dispositions statutaires. Les associés doivent donc être extrêmement attentifs s’ils désirent contester une telle décision. Ils ont ainsi tout intérêt à invoquer la nullité de la résolution pour abus de majorité.

D’autres voies permettent également de contester une rémunération excessive : action civile et pénale pour abus de biens sociaux, action en responsabilité civile pour non-respect des statuts,… Pour autant, l’abus de majorité reste le motif à privilégier, dès lors qu’il peut être invoqué.

Emmanuel MAITRE, spécialiste en droit des sociétés ; Serge VICENTE et Simon POLGE