Dans une récente décision de justice, a été reconnu comme dirigeant de fait d’une société actionnaire majoritaire, interlocuteur unique de tiers (en l’espèce, notaire, contrôleur des impôts, liquidateur judiciaire), alors que parallèlement le dirigeant de droit n’avait qu’un pouvoir technique.

Classiquement, le dirigeant de fait est défini comme celui « qui, sans être officiellement investi d’un mandat social, réalise des actes de gestion sociale interne ou externe et dispose en fait d’un pouvoir de décision ou de contrôle effectif et constant » (Deen GIBIRILA, Répertoire du Droit des Sociétés, Octobre 2016). En l’absence de présomption légale, les juridictions se fondent traditionnellement sur un faisceau d’indices dont les éléments à prendre en compte sont définis empiriquement.

Récemment, la Cour d’Appel de Paris a eu à connaître du cas d’un actionnaire d’une société holding qui réalisait des actes positifs de gestion pour le compte d’une filiale alors même qu’un dirigeant de droit était en place. Le liquidateur judiciaire de la filiale a assigné l’actionnaire et le dirigeant de droit en avançant la thèse selon laquelle l’actionnaire exerçait une direction de fait.

Dans son arrêt, la Cour d’Appel a reconnu la qualité de dirigeant de fait à l’actionnaire majoritaire et en a profité pour élargir les indices permettant de mettre en avant une telle qualification. S’il est de jurisprudence constante que soit retenu le fait d’être l’interlocuteur unique des tiers, les juges se fondent en général sur d’autres éléments de fait : qualification professionnelle et méthode de rémunération du gérant de droit, signature des documents officiels, choix des salariés, réception de mails (l’actionnaire étant destinataire principal et le dirigeant de droit étant destinataire secondaire).

Conseil : si un associé souhaite gérer effectivement la société et être l’interlocuteur privilégié ou unique des tiers (expert-comptable, clients, prestataires, commissaires aux comptes, créanciers…), il est préférable de lui conférer un mandat social dans les statuts sous peine d’encourir les responsabilités d’un dirigeant de fait.

(CA Paris. 14 mars 2018 n°16-19/19330)

 Me Emmanuel MAITRE, spécialiste en droit des sociétés ; M. Christopher DE HARO